L’arrêt du 10 octobre 2023 de la cour d’appel de Rennes : une victoire pour la cause de notre pratique collective de la musique traditionnelle bretonne.

Cet arrêt rendu très récemment caractérise le non fondement d’une action en contrefaçon heurtant la pratique immémoriale des bagadoù qui repose sur la transmission, la réappropriation et l’enrichissement par les musiciens du fonds traditionnel commun.

1 – Le litige opposait deux musiciens d’un même bagad. Le premier ayant revendiqué les droits d’auteur d’un air intitulé « Intanvezh Ar Martoloded », au second qui, selon le plaignant, l’aurait contrefait par retranscription et transposition, puis utilisé et diffusé pour le bagad sans lui demander l’autorisation.

2 – Cette procédure constituait potentiellement trois menaces existentielles pour nos pratiques.

  • La première, la revendication personnelle des droits d’auteur (l’appropriation d’un air original) sur un air musical présenté au départ comme traditionnel de Bretagne, qui par essence appartient à notre mémoire collective vivante.
  • La deuxième, lorsque le plaignant en a revendiqué l’invention totale, de considérer comme « œuvre » un air qui n’est absolument pas original et qui ne se distingue en rien du répertoire traditionnel (distinct de tous autres airs et reflétant l’empreinte de la personnalité de l’auteur au sens du Code de la Propriété Intellectuelle)
  • La troisième, l’attaque en contrefaçon d’une simple transposition d’un air, qui plus est, juste proposée en commission musicale d’un bagad et jamais jouée ensuite par le groupe.

Afin d’éviter une jurisprudence fâcheuse, Sonerion s’est mobilisé en soutenant le sonneur accusé, en s’entourant notamment du cabinet d’avocats Avoxa, et tout particulièrement de Me Bertrand Ermeneux et de Me Anne-Cécile Le Boudec, avocats spécialistes en droit de la propriété intellectuelle, et en produisant des arguments reconnus documentant la défense.

3 – Le plaignant a été condamné par Arrêt de la Cour d’Appel de Rennes en date du 10 octobre 2023, à 2000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral, et à 10 000 € de remboursement de frais de procédure. Cet arrêt infirme totalement le précédent jugement qui avait été rendu par le tribunal judiciaire, et est donc très favorable pour le sonneur amené en procédure, et à la hauteur des espérances de Sonerion et du cabinet d’avocats engagés pour la défense de cette cause essentielle.

La cour n’a pas identifié d’originalité particulière de la gwerzh « Intanvezh Ar Martoloded ».

Elle précise d’ailleurs que dès lors que l’originalité de l’œuvre en question est mise en doute, c’est au demandeur au procès en contrefaçon de prouver l’originalité de l’œuvre dont il réclame la protection (Arrêt de la cour de cassation 1ère chambre civile du 14 novembre 2013, n°12-20.687).

Il est indiqué que le plaignant ne dispose pas de droits d’auteur sur la gwerzh. En effet, la cour considère qu’il ne démontre pas en être l’auteur et qu’il a cherché à s’approprier une musique traditionnelle.

Elle précise également que le seul fait d’avoir réalisé une transposition de cette musique ne fait pas de lui un auteur, car la transcription est un savoir-faire technique et non un processus créatif ;

En conséquence, n’ayant pas de droit d’auteur, la contrefaçon n’est pas caractérisée.

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